samedi 22 novembre 2014

Petite histoire du village de Lusanga et de l'exploitation de l'huile de palme

L'histoire du village de Lusanga est étroitement liée à l'exploitation de l'huile de palme qui a connu son apogée au milieu du siècle passé.

Alors qu'elle constitue une base de l'alimentation traditionnelle des populations congolaises, cette huile va devenir un produit d'exportation phare suite à l'arrivée en Afrique de la fabrique de savon Lever.

Cette société, qui deviendra ensuite l'énorme multinationale Unilever que nous connaissons aujourd'hui comme propriétaire d'une quantité extraordinaire de marques que nous achetons chaque jour dans nos supermarchés, obtient dès 1911 de grandes concessions dans le pays.

Lusanga deviendra rapidement l'un des principaux centres de production d'huile de palme suite à l'installation d'une importante usine de la société Lever.

A tel point que le village fût rebaptisé Leverville ! La société était habituée de cette pratique même en Angleterre puisqu'elle avait bâti une ville complète près de Liverpool pour héberger ses ouvriers et l'avait baptisée Port Sunlight, du nom de son produit fétiche, le savon Sunlight.

Si les sociétés huilières ont incontestablement apporté une modernisation des régions où elles avaient leurs activités par la création d'hôpitaux, de dispensaires, d'ateliers de fabrication de pièces de rechange pour les usines, la population congolaise était loin d'en tirer un bénéfice.

clip_image002

Bac sur le fleuve Kwilu permettant de rallier l'usine sur l'autre rive

Les conditions de recrutement des ouvriers, et des coupeurs de fruits en particulier, étaient particulièrement ignobles, les recruteurs des sociétés huilières déplaçaient de jeunes hommes à plus de 150km de chez eux en promettant des compensations aux chefs locaux.

De nombreuses contraintes pesaient sur les ouvriers qui notamment voyaient leur « contrat » renouvelé tacitement sans que leur accord ne soit demandé. Les ouvriers se voyaient assignés des tâches bien loin de leur fonction initiale telles que les corvées de portage ou de construction des routes.

C'est ainsi que le membre d'une commission sur les conditions de travail dans la région déclara en 1932 au ministre des colonies « Il existe dans certaines régions un système d'organisation du travail que certains appellent esclavage déguisé et que je me bornerai à appeler le servage de gens corvéables et taillables à merci ».

Quoi qu'il en soit les exportations d'huile de palme ne cessèrent de progresser pour atteindre leur apogée en 1965 avant d'entamer un long et inexorable déclin.

Les remous politiques et la mauvaise gestion de l'état zaïrois après la décolonisation et le déclin des palmeraies naturelles qui, surexploitées, ne pouvaient se renouveler à un rythme suffisant, conduisent à la disparition totale des exportation en 2006.clip_image004

L'usine de Lusanga à l'abandon

Aujourd'hui, l'huile de palme est toujours produite à une échelle artisanale, elle assure des revenus aux villageois qui en vendent dans les villes. Le procédé de fabrication est essentiellement artisanal, et l'huile de palme reste un élément majeur de l'alimentation au Congo qui, associée à la farine de manioc, fournit beaucoup de calories.

Des petits producteurs locaux de savon ou de margarine sont aussi demandeurs d'huile de palme.

On estime la consommation annuelle moyenne à 3kg par habitant, les besoins sont croissants et il est donc important de soutenir la production artisanale par la fourniture notamment de presses mécaniques.

Et l'avenir ? Des projets de relance de production à grande échelle ont été élaborés mais ils se heurtent à de nombreux problèmes.

Il était question notamment de l'utilisation de l'huile de palme pour produire des bio-carburants, mais l'utilité des ces bio-carburants est aujourd'hui remise en cause.

En Europe, l'utilisation de l'huile de palme dans l'alimentation est diabolisée, elle est accusée de nombreux maux car contenant trop d'acides saturés néfastes à la santé. Le fabricant de la pâte à tartiner Nutella en a notamment fait les frais par une véritable campagne de dénigrement dirigée contre son produit.

Pourtant, remplacer l'huile de palme par un autre ingrédient nécessiterait un traitement de ces huiles pour leur donner les mêmes propriétés, traitement qui non seulement augmenterait le prix de revient du produit tout en n'étant pas meilleur à la santé.

En conclusion, on peut dire que l'exploitation artisanale destinée au marché intérieur restera prépondérante à court et moyen terme, l'huile de palme est essentielle à l'alimentation

des populations congolaises et la fourniture de petites presses mécanisées dont s'est déjà chargée l'association Famille Debout constitue la meilleure des actions à mener aujourd'hui.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire